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j’ai encore la pièce d’argent que votre fille a refusée à son départ. »

Il n’entrait dans ce refus aucune jalousie ; mais un profond découragement accablait ces deux infortunés, depuis la nouvelle qui les séparait de leur unique ami. Ils se rappelèrent la promesses que leur fit, en partant, Prascovie, de s’intéresser à eux, persuadés, ainsi que tous les habitants d’Ischim, d’après mille bruits qui couraient dans le public, de la faveur sans bornes qu’elle avait obtenue : ils se crurent oubliés ; et n’osant se plaindre à son père, ils renfermaient en leur cœur le sombre chagrin qui les dévorait.

La veille du jour où Lopouloff devait les quitter, ils voulurent prendre congé de lui pour n’avoir pas la douleur d’assister à son départ : ils sortirent de chez lui à neuf heures du soir, et se retirèrent, le cœur navré de toutes les douleurs que les hommes peuvent supporter sans mourir.

Après leur départ, Lopouloff et sa femme pleurèrent longtemps sur le sort de leurs deux amis. « Sans doute, disaient-ils, notre fille ne les a pas oubliés ; peut-être encore, avec le temps, obtiendra-t-elle leur grâce : nous l’engagerons à faire de nouvelles démarches en leur faveur. » Avec ces idées consolantes, ils se couchèrent pour être prêts à partir le lendemain de bonne heure.