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de la rentrée du sénat, elle avait des affaires au quai Anglais, voyant Prascovie s’acheminer à pied, elle lui offrit de la conduire en droschky [1]. « Je ne sais, lui disait-elle en chemin, comment vous n’êtes pas découragée de tant de démarches inutiles ! À votre place, je laisserais là le sénat et les sénateurs, qui ne feront jamais rien pour vous ; c’est tout comme, ajouta-t-elle en lui montrant la statue de Pierre le Grand qui se trouvait près d’elle, c’est tout comme si vous offriez votre supplique à cette statue que voilà : vous n’en obtiendrez rien de plus.

« — J’espère, répondit Prascovie, que ma foi me sauvera. Aujourd’hui je ferai ma dernière démarche au sénat, et l’on prendra sûrement ma supplique : Dieu est tout-puissant : oui, ajouta-t-elle en descendant du droschky, Dieu est tout-puissant, et peut, si telle est sa volonté, forcer cet homme de fer à se baisser et à prendre ma supplique. » La marchande, à ces mots, fit un grand éclat de rire, et Prascovie, revenue de son enthousiasme, en rit elle-même ; cependant elle n’avait exprimé que sa pensée.

  1. Petite voiture basse sur quatre roues ; elle remplace l’usage du cabriolet chez nous.