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bonnes gens pour la conduire. D’autre part, les maîtres du kharstma ne paraissaient pas du tout disposés à la garder, et voulurent à toute force qu’elle partît avec ceux qui l’avaient amenée. Dans cette position embarrassante, se voyant déçue de l’espoir qu’elle avait d’aller jusqu’à Ékatherinembourg en sûreté, elle s’abandonnait dans un coin de la chambre à toute la vivacité de sa douleur.

Ses conducteurs furent touchés de sa situation ; ils se cotisèrent pour lui acheter une pelisse de mouton, qui dans le pays ne coûte que cinq roubles : malheureusement il ne s’en trouva point à vendre : aucun des habitants de cette ville isolée ne voulut faire le sacrifice de la sienne, parce qu’il était difficile de la remplacer. Les paysans offrirent jusqu’à sept roubles à une fille de l’auberge, qui les refusa. Dans cette perplexité, un des plus jeunes conducteurs proposa tout à coup un expédient des plus singuliers, et qui permit à Prascovie de profiter de leur bonne volonté. « Nous lui prêterons, dit-il, tour à tour nos pelisses, ou bien elle prendra la mienne une fois pour toutes, et nous changerons entre nous à chaque verste. » Ils y consentirent tous avec plaisir. On fit aussitôt le calcul de la distance et du nombre de fois que les pelisses devaient être changées. Les paysans