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« — Oh ! oh ! vous avez donc beaucoup d’argent pour entreprendre un si grand voyage ?

« — Il ne me reste que quatre-vingts kopecks en cuivre, répondit la voyageuse intimidée.

« — Tu mens ! s’écria la vieille ; oui, tu mens ! On ne se met point en route pour aller si loin, avec si peu d’argent ! » La jeune fille avait beau protester que c’était là tout son avoir, on ne la croyait pas. La femme ricanait avec son mari. « De Tobolsk à Pétersbourg avec quatre-vingts kopecks, disait-elle ; c’est probable, vraiment ! » La malheureuse fille, outragée et tremblante, retenait ses larmes, et priait Dieu tout bas de la secourir. On lui donna cependant quelques pommes de terre, et dès qu’elle les eut mangées, son hôtesse lui conseilla de s’aller coucher. Prascovie, qui commençait fortement à soupçonner ses hôtes d’être des voleurs, aurait volontiers donné le reste de son argent pour être délivrée de leurs mains. Elle se déshabilla en partie avant de monter sur le poêle où elle devait passer la nuit [1], laissant en bas, à leur portée, ses poches et son sac, afin de leur donner la facilité de compter

  1. Les poêles russes sont très-grands, et les paysans, n’ayant point de lit dans ce pays, couchent tout habillés, soit sur les bancs qui règnent dans toute l’enceinte de leur cabane, soit sur le poêle, qui est la place la plus spacieuse et en même temps la plus chaude.