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voisine et s’y était arrêtée quelques heures. Lorsqu’elle revint à la maison, sa mère l’embrassa toute en larmes. « Tu as bien tardé, lui dit-elle. Nous avons cru que tu nous avais quittés pour toujours ! — Vous aurez bientôt ce chagrin, lui répondit sa fille, puisque vous ne voulez pas me livrer le passe-port : vous regretterez alors de m’avoir privée de cette ressource et de votre bénédiction, » Elle prononça ces paroles sans répondre aux caresses de sa mère et d’un ton de voix si triste, si altéré, que la bonne mère en fut vivement affectée. Elle lui promit, pour la tranquilliser, de ne plus mettre d’opposition à son départ, qui dépendrait uniquement de la permission de son père. Prascovie ne la demandait plus ; mais sa profonde tristesse la sollicitait plus éloquemment que n’aurait pu le faire les supplications les plus vives : Lopouloff lui-même ne savait à quoi se résoudre.

Sa femme le priait un matin d’aller prendre quelques pommes de terre dans un petit jardin qu’il cultivait près de la maison. Immobile et plein de ces tristes idées, il paraissait ne faire aucune attention à cette demande ; enfin, revenant tout à coup à lui : « Allons, dit-il comme pour s’encourager, aide-toi, je t’aiderai ! » En achevant ces mots, il prit une bêche et se rendit au jardin.