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une épingle, et qu’il daigne répondre à toutes vos folles pensées ? Sans doute, ajouta-t-il, en s’adressant à sa fille, un ange ne manquera pas de vous accompagner dans votre extravagant voyage, et de vous donner à boire quand vous aurez soif ! Ne sentez-vous pas quelle est la folie de s’abandonner à de semblables espérances ? »

Prascovie lui répondit qu’elle était bien loin d’espérer qu’un ange lui apparût pour l’aider dans son entreprise. « Mais cependant, disait-elle, j’espère et crois fermement que mon ange gardien ne m’abandonnera pas, et que mon voyage aura lieu, quand je m’y opposerais moi-même. » Lopouloff était ébranlé par cette persévérance inconcevable ; cependant un mois s’écoula sans qu’il fût question du départ. Prascovie devenait silencieuse et préoccupée : toujours seule dans les bois ou dans son réduit, elle ne donnait plus aucune marque de tendresse à ses parents. Comme elle avait souvent menacé de partir sans passe-port, ils commencèrent à craindre sérieusement qu’elle n’accomplît son projet, et ils prenaient de l’inquiétude lorsqu’elle s’absentait de la maison plus longtemps qu’à l’ordinaire. Il arriva même un jour qu’ils la crurent décidément partie : Prascovie, en revenant de l’église, où elle était allée seule, avait accompagné de jeunes paysannes dans une chaumière