Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle n’osait lui en demander, parce qu’il lui avait parlé avec brusquerie, et s’était moqué de son projet de voyage qu’il connaissait.

Six mois s’étaient presque écoulés depuis le départ de la supplique, lorsqu’on vint avertir la famille qu’un courrier était à la poste avec des lettres pour quelques personnes. Prascovie y courut aussitôt et fut suivie de ses parents. Lorsque Lopouloff se nomma, le courrier lui remit un paquet cacheté, contenant un passe-port pour sa fille, et prit un reçu de lui. Ce fut un moment de joie pour la famille. Dans l’abandon total où ils étaient depuis tant d’années, l’envoi de ce passe-port leur parut une espèce de faveur. Cependant il n’y avait dans le paquet aucune réponse du gouverneur aux demandes personnelles de Lopouloff. Pour sa fille, elle était libre, et l’on ne pouvait, sans la plus grande injustice, la retenir en Sibérie contre sa volonté.

Le silence absolu que l’on gardait avec son père était plutôt une confirmation de sa disgrâce qu’une faveur. Cette triste réflexion dissipa bientôt l’impression de plaisir que lui avait fait éprouver la condescendance du gouverneur. Lopouloff s’empara du passe-port, et déclara, dans le premier moment d’humeur, qu’il n’avait consenti à le demander que dans la certitude qu’on le lui refuserait, et pour se délivrer des persécutions de sa fille.