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Lopouloff avait adressé depuis plusieurs mois une supplique au gouverneur de la Sibérie, qui n’avait jamais répondu à ses demandes précédentes. Un officier, passant par Ischim pour des affaires de service, s’était chargé de la dépêche et lui avait promis d’appuyer ses réclamations auprès du gouverneur. Le malheureux exilé en avait conçu quelque espoir ; mais on ne lui fit pas plus de réponse qu’auparavant. Chaque voyageur, chaque courrier venant de Tobolsk (événement bien rare) ajoutait le tourment de l’espérance déçue aux maux dont il était accablé.

Dans un de ces tristes moments, la jeune fille, revenant de la moisson, trouva sa mère baignée de larmes, et fut effrayée de la pâleur et des sombres regards de son père, qui se livrait à tout le délire de la douleur. « Voilà, s’écria-t-il lorsqu’il la vit paraître, le plus cruel de tous mes malheurs ! voilà l’enfant que Dieu m’a donnée dans sa colère, « afin que je souffre doublement de ses maux et des miens, afin que je la voie dépérir lentement sous mes yeux, épuisée par de serviles travaux, et que le titre de père ; qui fait le bonheur de tous les hommes, soit pour moi seul le dernier terme de la malédiction du ciel ! » Prascovie épouvantée se jeta dans ses bras. La mère et la fille parvinrent à le tranquilliser en mêlant