Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

front de la main en poussant un profond soupir. Étonné de ce désespoir subit, que son intrépide compagnon n’avait point encore montré jusqu’alors, il lui en demanda la cause. « Maître, dit Ivan, j’ai fait une grande faute ! — Dieu veuille nous la pardonner ! » répondit Kascambo en se signant.

— Oui, reprit Ivan ; j’ai oublié d’emporter cette belle carabine qui était dans la chambre de l’enfant. Que voulez-vous ? cela ne m’est point venu dans la pensée : vous avez tant gémi là-haut, tant fait de bruit, que je l’ai oubliée. Vous riez ? c’était la plus belle carabine qu’il y eût dans tout le village. J’en aurais fait présent au premier homme que nous rencontrerons, pour le mettre dans nos intérêts ; car je ne sais trop comment, dans l’état où je vous vois, nous pourrons achever notre marche.

Le temps, qui les avait favorisés jusqu’alors, changea dans la journée. Le vent froid de Russie soufflait avec violence, et leur jetait du grésil au visage. Ils partirent à la tombée de la nuit, incertains s’ils devaient chercher à atteindre quelques villages ou les éviter. Mais la longue traite qui restait à faire, dans cette dernière supposition, leur devint absolument im-