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personne, et entrèrent dans le déifié, où le chemin et le ruisseau étaient resserrés entre de hautes montagnes à pic. Ils marchèrent avec toute la vitesse qui leur était possible, sentant bien le danger qu’ils couraient d’être rencontrés dans cet étroit passage, dont ils ne sortirent que vers les neuf heures du matin. Ce fut alors seulement que ce sombre défilé s’ouvrit tout à coup, et qu’ils découvrirent, au delà des montagnes plus basses qui se croisaient devant l’immense horizon de la Russie, semblable à une mer éloignée. On se formerait difficilement une idée du plaisir qu’éprouva le major à ce spectacle inattendu : « La Russie ! la Russie ! » était le seul mot qu’il pût prononcer. Les voyageurs s’assirent pour se reposer et pour jouir d’avance de leur prochaine liberté. Ce pressentiment de bonheur se mêlait dans l’esprit du major au souvenir de l’horrible catastrophe dont il venait d’être témoin, et que ses fers et ses habits souillés de sang lui retraçaient vivement. Les yeux fixés sur le terme éloigné de ses travaux, il calculait les difficultés du voyage. L’aspect de la longue et dangereuse route qui lui restait à faire avec des fers aux pieds et des jambes enflées de fatigue effaça bientôt jusqu’à la trace du plaisir momentané que lui avait causé l’aspect de sa terre