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occasion ne lui ramena pas tous les esprits, elle lui gagna du moins un ami ; le jeune homme qu’il avait sauvé l’adopta pour son koniak (titre sacré que les montagnards du Caucase ne violent jamais), et jura de le défendre envers et contre tous. Mais cette liaison ne suffisait pas pour le mettre à l’abri de la haine des principaux habitants. Le courage qu’il venait de montrer, son attachement à son maître, augmentèrent les craintes qu’il leur avait inspirées. On ne pouvait plus le regarder comme un bouffon incapable d’aucune entreprise, ainsi qu’on l’avait fait jusqu’alors ; et lorsqu’on réfléchissait à l’expédition manquée, à laquelle il avait pris part, on s’étonnait que des troupes russes se fussent trouvées à point nommé dans un lieu si éloigné de leur résidence ordinaire, et l’on soupçonna qu’il avait eu les moyens de les prévenir. Quoique cette conjecture fût sans fondement réel, on le surveilla de plus près. Le vieux Ibrahim lui-même, craignant quelque complot pour l’évasion de ses prisonniers, ne leur permettait plus d’avoir entre eux d’entretien suivi, et le brave denchik était menacé, quelquefois même battu, lorsqu’il voulait converser avec son maître.

Dans cette situation, les deux prisonniers imaginèrent un moyen de s’entretenir sans donner