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le long duquel il était ordinairement suivi par une troupe d’enfants attirée par ses bouffonneries ; et comme il comprenait la langue tartare, il eut bientôt appris celle du pays, qui en est un dialecte très-rapproché.

Le major lui-même était souvent forcé de chanter avec son denchik des chansons russes et de jouer de la guitare pour amuser cette féroce société. Dans les commencements, on lui ôtait les fers qui liaient sa main droite lorsqu’on exigeait de lui cette complaisance ; mais la femme s’étant aperçue qu’il jouait quelquefois malgré ses fers pour se désennuyer, un ne lui accorda plus la même faveur ; et le malheureux musicien se repentit plus d’une fois d’avoir laissé paraître son talent. Il ignorait alors que sa guitare contribuerait un jour à lui rendre la liberté.

Pour obtenir cette liberté désirée, les deux prisonniers formaient mille projets, tous bien difficiles à exécuter. Lors de leur arrivée dans le village, les habitants envoyaient chaque nuit, et à tour de rôle, un homme pour augmenter la garde. Insensiblement on se relâcha de cette précaution. Souvent la sentinelle ne venait pas : la femme et l’enfant couchaient dans une chambre voisine, et le vieux Ibrahim restait seul avec eux ; mais il gardait soigneusement sur lui la clef des fers, et se