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malheur de son maître Le brave domestique résolut aussitôt de partager son sort, et s’achemina du côté par où les Tchetchenges s’étaient retirés, conduisant son mulet avec lui, et se dirigeant sur la trace des chevaux. Lorsqu’il commençait à la perdre dans l’obscurité, il rencontra un traîneur ennemi qui le conduisit au rendez-vous des Tchetchenges.

On peut se faire une idée du sentiment qu’éprouva le prisonnier en voyant son denchik venir volontairement partager son mauvais sort. Les Tchetchenges se distribuèrent aussitôt le butin qu’on leur amenait ils ne laissèrent au major qu’une guitare qui se trouvait dans son équipage, et qu’on lui rendit par dérision. Ivan (c’était le nom du denchik [1]) s’en empara et refusa de la jeter, comme son maître le lui conseillait. « Pourquoi nous décourager ? lui-disait-il ; le Dieu des Russes est grand [2] : l’intérêt des brigands est de vous conserver, ils ne vous feront aucun mal. »

Après une halte de quelques heures, la horde allait se remettre en marche, lorsqu’un de leurs

  1. Il s’appelait Ivan Smirnoff, nom «on pourrait traduire en français par Jean le Doux, ce qui contrastait singulièrement avec son caractère comme on le verra par la suite.
  2. Proverbe familier des soldats russes au moment du danger.