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Le Lépreux, à la fin de ce récit, couvrit son visage de ses mains ; la douleur ôtait la voix au voyageur. Après un instant de silence, le Lépreux se leva. « Étranger, dit-il, lorsque le chagrin ou le découragement s’approcheront de vous, pensez au solitaire de la cité d’Aoste ; vous ne lui aurez pas fait une visite inutile. »

Ils s’acheminèrent ensemble vers la porte du jardin. Lorsque le militaire fut au moment de sortir, il mit son gant à la main droite : « Vous n’avez jamais serré la main de personne, dit-il au Lépreux, accordez-moi la faveur de serrer la mienne : c’est celle d’un ami qui s’intéresse vivement à votre sort. » Le Lépreux recula de quelques pas avec une sorte d’effroi, et levant les yeux et les mains au ciel : « Dieu de bonté ! s’écria-t-il, comble de tes bénédictions cet homme compatissant ! »

« Accordez-moi donc une autre grâce, reprit le voyageur. Je vais partir ; nous ne nous reverrons peut-être pas de bien longtemps : ne pourrions-nous pas, avec les précautions nécessaires, nous écrire quelquefois ? Une semblable relation pourrait vous distraire, et me ferait un grand plaisir à moi-même. »

Le Lépreux réfléchit quelque temps. « Pourquoi, dit-il enfin, chercherais-je à me faire illusion ? Je