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respire ; et moi, moi seul ! sans aide, sans amis, sans compagne… Quelle affreuse destinée ! »

Plein de ces tristes pensées, j’oubliai qu’il est un Être consolateur, je m’oubliai moi-même. « Pourquoi, me disais-je, la lumière me fut-elle accordée ? Pourquoi la nature n’est-elle injuste et marâtre que pour moi ? Semblable à l’enfant déshérité, j’ai sous les yeux le riche patrimoine de la famille humaine, et le ciel avare m’en refuse ma part. Non, non, m’écriai-je enfin dans un accès de rage, il n’est point de bonheur pour toi sur la terre ; meurs, infortuné, meurs ! Assez longtemps tu as souillé la terre par ta présence ; puisse-t-elle t’engloutir vivant et ne laisser aucune trace de ton odieuse existence ! » Ma fureur insensée s’augmentant par degrés, le désir de me détruire s’empara de moi, et fixa toutes mes pensées. Je conçus enfin la résolution d’incendier ma retraite, et de m’y laisser consumer avec tout ce qui aurait pu laisser quelque souvenir de moi. Agité, furieux, je sortis dans la campagne ; j’errai quelque temps dans l’ombre autour de mon habitation : des hurlements involontaires sortaient de ma poitrine oppressée, et m’effrayaient moi-même dans le silence de la nuit. Je rentrai plein de rage dans ma demeure, en criant : « Malheur à toi, Lépreux ! malheur à toi ! ». Et, comme si