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preinte sur leurs belles physionomies ; ils marchaient lentement ; leurs bras étaient entrelacés. Tout à coup je les vis s’arrêter : la jeune femme pencha la tête sur le sein de son époux, qui la serra dans ses bras avec transport. Je sentis mon cœur se serrer. Vous l’avouerai-je ? l’envie se glissa pour la première fois dans mon cœur : jamais l’image du bonheur ne s’était présentée à moi avec tant de force. Je les suivis des yeux jusqu’au bout de la prairie, et j’allais les perdre de vue dans les arbres, lorsque des cris d’allégresse vinrent frapper mon oreille : c’étaient leurs familles réunies qui venaient à leur rencontre. Des vieillards, des femmes, des enfants les entouraient ; j’entendais le murmure confus de la joie ; je voyais entre les arbres les couleurs brillantes de leurs vêtements, et ce groupe entier semblait environné d’un nuage de bonheur. Je ne pus supporter ce spectacle ; les tourments de l’enfer étaient entrés dans mon cœur : je détournais mes regards, et je me précipitais dans ma cellule. Dieu ! qu’elle me parut déserte, sombre, effroyable ! C’est donc ici, me dis-je, que ma demeure est fixée pour toujours ; c’est donc ici où, traînant une vie déplorable, j’attendrai la fin tardive de mes jours ! L’Éternel a répandu le bonheur, il l’a répandu à torrents sur tout ce qui