Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’éprouver un nouveau chagrin. Depuis quelques années, un petit chien s’était donné à nous : ma sœur l’avait aimé, et je vous avoue que, depuis qu’elle n’existait plus ce pauvre animal était une véritable consolation pour moi.

Nous devions sans doute à sa laideur le choix qu’il avait fait de notre demeure pour son refuge. Il avait été rebuté par tout le monde ; mais il était encore un trésor pour la maison du Lépreux. En reconnaissance de la faveur que Dieu nous avait accordée en nous donnant cet ami, ma sœur l’avait appelé Miracle ; et son nom, qui contrastait avec sa laideur, ainsi que sa gaieté continuelle, nous avait souvent distraits de nos chagrins. Malgré le soin que j’en avais, il s’échappait quelquefois, et je n’avais jamais pensé que cela pût être nuisible à personne. Cependant quelques habitants de la ville s’en alarmèrent, et crurent qu’il pouvait porter parmi eux le germe de ma maladie ; ils se déterminèrent à porter des plaintes au commandant, qui ordonna que mon chien fût tué sur-le-champ. Des soldats, accompagnés de quelques habitants, vinrent aussitôt chez moi pour exécuter cet ordre cruel. Ils lui passèrent une corde au cou en ma présence, et l’entraînèrent. Lorsqu’il fut à la porte du jardin, je ne pus m’empêcher de le regarder encore une