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la faire un jeune officier, qui était à la fois gentilhomme, rêveur et amoureux.

Se laissant aller à l’imagination, l’âme ouverte à toutes sortes d’idées, de goûts et de sentiments, il évoque plus d’une fantaisie charmante ; celle de l’âme et la bête, qui a fait fortune dans le monde, lui est un prétexte de fines saillies et de réflexions dont le ton s’élève parfois jusqu’à une douce éloquence. L’amour tient une large place dans le voyage : une lettre, un portrait, une fleur fanée, autant de souvenirs qui font revivre à nos yeux la femme aimante ou coquette. En deux ou trois endroits, un trait à la Sterne mouille le récit ; mais il y a chez Xavier plus de fantaisie que d’humour, plus de malice que de mélancolie, et s’il laisse entrevoir une larme sous un sourire, il lui arrive plus souvent, en vrai disciple d’Horace, d’interrompre ses dissertations par une pointe de badinage.

En recevant un exemplaire imprimé du Voyage, Xavier eut « la surprise qu’éprouverait un père en revoyant adulte un enfant qu’il aurait laissé en nourrice ». Il en fut très satisfait, et commença aussitôt l’Expédition nocturne ; son frère, qui augurait mal des secondes parties, le détourna de ce dessein. Xavier n’y pensa plus ; mais, après le succès du Lépreux, il le reprit et l’acheva en Russie ; soit par défiance de lui-même, soit par respect pour l’opinion de Joseph, il ne le mit au jour qu’après la mort de ce dernier. La réputation de notre auteur comme humouriste n’y a rien gagné. Ce nouveau voyage est traité de la même façon que le premier, et bien que l’inspiration en soit différente, on y retrouve le même genre de mérite, avec une sensibilité plus réfléchie et une verve moins primesautière.