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miers jours qui suivirent la mort de cette sœur chérie !


LE LÉPREUX.

Je fus longtemps dans une espèce de stupeur qui m’ôtait la faculté de sentir toute l’étendue de mon infortune : lorsque enfin je revins à moi, et que je fus à même de juger de ma situation, ma raison fut prête à m’abandonner. Cette époque sera toujours doublement triste pour moi ; elle me rappelle le plus grand de mes malheurs, et le crime qui faillit en être la suite.


LE MILITAIRE.

Un crime ! je ne puis vous en croire capable.


LE LÉPREUX.

Cela n’est que trop vrai, et en vous racontant cette époque de ma vie je sens trop que je perdrai beaucoup dans votre estime ; mais je ne veux pas me peindre meilleur que je ne suis, et vous me plaindrez peut-être en me condamnant. Déjà, dans quelques accès de mélancolie, l’idée de quitter cette vie volontairement s’était présentée à moi : cependant la crainte de Dieu me l’avait toujours fait repousser, lorsque la circonstance la plus simple et la moins faite en apparence pour me troubler pensa me perdre pour l’éternité. Je venais