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terminent le jardin, et nous vivions presque toujours séparés.


LE MILITAIRE.

Mais pourquoi vous imposer cette dure contrainte ?


LE LÉPREUX.

Lorsque ma sœur fut attaquée par la maladie contagieuse dont toute ma famille a été la victime, et qu’elle vint partager ma retraite, nous ne nous étions jamais vus : son effroi fut extrême en m’apercevant pour la première fois. La crainte de l’affliger, la crainte plus grande encore d’augmenter son mal en l’approchant, m’avait forcé d’adopter ce triste genre de vie. La lèpre n’avait attaqué que sa poitrine et je conservais encore quelque espoir de la voir guérir. Vous voyez ce reste de treillage que j’ai négligé ; c’était alors une haie de houblon que j’entretenais avec soin et qui partageait le jardin en deux parties. J’avais ménagé de chaque côté un petit sentier, le long duquel nous pouvions nous promener et converser ensemble sans nous voir et sans trop nous approcher.


LE MILITAIRE.

On dirait que le ciel se plaisait à empoisonner les tristes jouissances qu’il vous laissait.