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LE LÉPREUX.

Pardonnez, compatissant étranger ! vous savez que les malheureux aiment à parler de leurs infortunes.


LE MILITAIRE.

Parlez, parlez, homme intéressant ! Vous m’avez dit qu’une sœur vivait avec vous, et vous aidait à supporter vos souffrances.


LE LÉPREUX.

C’était le seul lien par lequel je tenais encore au reste des humains ! Il plut à Dieu de le rompre et de me laisser isolé et seul au milieu du monde. Son âme était digne du ciel qui la possède, et son exemple me soutenait contre le découragement qui m’accable souvent depuis sa mort. Nous ne vivions cependant pas dans cette intimité délicieuse dont je me fais une idée, et qui devrait unir des amis malheureux. Le genre de nos maux nous privait de cette consolation. Lors même que nous nous rapprochions pour prier Dieu, nous évitions réciproquement de nous regarder, de peur que le spectacle de nos maux ne troublât nos méditations, et nos regards n’osaient plus se réunir que dans le ciel. Après nos prières, ma sœur se retirait ordinairement dans sa cellule ou sous les noisetiers qui