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conservé à travers les âges avec le plus de clarté et de naturel. Le petit peuple qui l’habite est pauvre, mais industrieux et patient ; il a des mœurs douces et sociables, un caractère égal et gai, fin jusqu’à la subtilité, plein de mansuétude pourtant. À défaut d’une littérature nationale, il possède un certain génie littéraire, empreint de grâce et d’enjouement, de bonhomie et de sensibilité, qui s’accuse à des degrés différents chez saint François de Sales et chez Xavier de Maistre.

Lorsqu’à vingt-sept ans, dans un moment d’ennui, infligé par les arrêts qu’il devait garder à la suite d’un duel, Xavier conçut l’idée de raconter le Voyage autour de ma chambre, il n’y apporta aucune préméditation littéraire, aucune recherche de la gloire. Tout entier à la vie de garnison, il ne songeait pas à écrire et lisait assez rarement, et, il l’avoue lui-même, « sans cette circonstance » il est probable qu’on n’eût jamais entendu parler de lui. Son frère Joseph le loua de la nouvelle occupation qu’il s’était donnée, et, tout en traitant l’œuvre de bluette, il consentit à s’en faire l’éditeur.

Cette bluette, où il s’égale d’emblée au voyageur sentimental qu’il avait choisi pour modèle, suffit à recommander le nom de l’auteur à la postérité. Ce qui en fait le charme, c’est qu’à travers un sujet du plus léger tissu, des digressions continuelles, des apostrophes, des boutades, des anecdotes, tout cela exprimé dans un désordre naïf et d’un style clair et sans apprêt, avec une sorte de grâce souriante et sensible, on y sent partout l’homme même, ou si l’on veut, quelque chose de vrai, de naturel, d’humain. Il semble que le voyage n’ait fourni à l’auteur qu’une occasion d’écrire les mémoires de son esprit, une confession plutôt, telle que pouvait