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LE MILITAIRE.

Avec une âme ardente comme la vôtre, il vous a fallu sans doute bien des efforts pour vous résigner à votre destinée, et pour ne pas vous abandonner au désespoir.


LE LÉPREUX.

Je vous tromperais en vous laissant croire que je suis toujours résigné à mon sort ; je n’ai point atteint cette abnégation de soi-même où quelques anachorètes sont parvenus. Ce sacrifice complet de toutes les affections humaines n’est point encore accompli ; ma vie se passe en combats continuels, et les secours puissants de la religion elle-même ne sont pas toujours capables de réprimer les élans de mon imagination. Elle m’entraîne souvent malgré moi dans un océan de désirs chimériques, qui tous me ramènent vers ce monde dont je n’ai aucune idée, et dont l’image fantastique est toujours présente pour me tourmenter.


LE MILITAIRE.

Si je pouvais vous faire lire dans mon âme, et vous donner du monde l’idée que j’en ai, tous vos désirs et vos regrets s’évanouiraient à l’instant.


LE LÉPREUX.

En vain quelques livres m’ont instruit de la per-