Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour me retenir à Turin ! Mais, hélas ! les souvenirs du bonheur passé sont les rides de l’âme ! Lorsqu’on est malheureux, il faut les chasser de sa pensée, comme des fantômes moqueurs qui viennent insulter à notre situation présente : il vaut mille fois mieux alors s’abandonner aux illusions trompeuses de l’espérance, et surtout il faut faire bonne mine à mauvais jeu et se bien garder de mettre personne dans la confidence de ses malheurs. J’ai remarqué, dans les voyages ordinaires que j’ai faits parmi les hommes, qu’à force d’être malheureux on finit par devenir ridicule. Dans ces moments affreux, rien n’est plus convenable que la nouvelle manière de voyager dont on vient de lire la description. J’en fis alors une expérience décisive : non seulement je parvins à oublier le passé, mais encore a prendre bravement mon parti sur mes peines présentes. Le temps les emportera, me dis-je pour me consoler : il prend tout, et n’oublie rien en passant ; et, soit que nous voulions l’arrêter, soit que nous le poussions, comme on dit, avec l’épaule, nos efforts sont également vains et ne changent rien à son cours invariable. Quoique je m’inquiète en général très peu de sa rapidité, il est telle circonstance, telle filiation d’idées, qui me la rappellent d’une manière frappante. C’est lorsque les hommes se taisent, lors-