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le plus attachés à leur pays, et que les peuples nomades habitent en général les grandes plaines. Quelle peut être la cause de cette différence dans l’attachement de ces peuples à la localité ? Si je ne me trompe, la voici : dans les montagnes, la patrie a une physionomie ; dans les plaines, elle n’en a point. C’est une femme sans visage, qu’on ne saurait aimer, malgré toutes ses bonnes qualités. Que reste-t-il, en effet, de sa patrie locale à l’habitant d’un village de bois, lorsque après le passage de l’ennemi le village est brûlé et les arbres coupés ? Le malheureux cherche en vain, dans la ligne uniforme de l’horizon, quelque objet connu qui puisse lui donner des souvenirs : il n’en existe aucun. Chaque point de l’espace lui présente le même aspect et le même intérêt. Cet homme est nomade par le fait, à moins que l’habitude du gouvernement ne le retienne ; mais son habitation sera ici ou là, n’importe ; sa patrie est partout où le gouvernement a son action : il n’aura qu’une demi-patrie. Le montagnard s’attache aux objets qu’il a sous les yeux depuis son enfance, et qui ont des formes visibles et indestructibles : de tous les points de la vallée, il voit et reconnaît son champ sur le penchant de la côte. Le bruit du torrent qui bouillonne entre les rochers n’est jamais interrompu ; le sentier qui conduit au village se détourne auprès