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le sentiment de la force et du bonheur qu’il nous donne en commun ; car le véritable attachement se borne à la famille et à un petit nombre d’individus dont nous sommes environnés immédiatement. Tout ce qui rompt l’habitude ou la facilité de se rencontrer rend les hommes ennemis : une chaîne de montagnes forme de part et d’autre des ultramontains qui ne s’aiment pas ; les habitants de la rive droite d’un fleuve se croient fort supérieurs à ceux de la rive gauche, et ceux-ci se moquent à leur tour de leurs voisins. Cette disposition se remarque jusque dans les grandes villes partagées par un fleuve, malgré les ponts qui réunissent ses bords. La différence du langage éloigne bien davantage encore les hommes du même gouvernement ; enfin la famille elle-même, dans laquelle réside notre véritable affection, est souvent dispersée dans la patrie ; elle change continuellement dans la forme et dans le nombre ; en outre, elle peut être transportée. Ce n’est donc ni dans nos compatriotes ni dans notre famille que réside absolument l’amour de la patrie.

La localité contribue pour le moins autant à l’attachement que nous portons à notre pays natal. Il se présente à ce sujet une question fort intéressante : on a remarqué de tout temps que les montagnards sont, de tous les peuples, ceux qui sont