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neuse, comme on l’a vu dans les chapitres précédents, il me restait un point très important à décider au sujet du voyage que j’allais entreprendre. Ce n’est pas tout, en effet, que de se placer en voiture ou à cheval : il faut encore savoir où l’on veut aller. J’étais si fatigué des recherches métaphysiques dont je venais de m’occuper qu’avant de me décider sur la région du globe à laquelle je donnerais la préférence, je voulus me reposer quelque temps en ne pensant à rien. C’est une manière d’exister qui est aussi de mon invention, et qui m’a souvent été d’un grand avantage ; mais il n’est pas accordé à tout le monde de savoir en user : car s’il est aisé de donner de la profondeur à ses idées en s’occupant fortement d’un sujet, il ne l’est point autant d’arrêter tout à coup sa pensée comme l’on arrête le balancier d’une pendule. Molière a fort mal à propos tourné en ridicule un homme qui s’amusait à faire des ronds dans un puits : je serais, quant à moi, très porté à croire que cet homme était un philosophe qui avait le pouvoir de suspendre l’action de son intelligence pour se reposer, opération des plus difficiles que puisse exécuter l’esprit humain. Je sais que les personnes qui ont reçu cette faculté sans l’avoir désirée et qui ne pensent ordinairement à rien, m’accuseront de plagiat et réclameront la priorité d’invention ;