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de Napoléon, peut seule rétablir un ordre quelconque momentané pour recommencer ensuite de plus belle. »

Il ne faudrait pas attacher à cette espèce de prophétie plus d’importance que notre auteur ne faisait lui-même ; en effet, il s’empresse d’ajouter, avec l’indifférence un peu égoïste de l’homme qui, se sachant à l’abri, assiste de loin à une catastrophe : « Du reste, je ne tiens pas plus à cette opinion qu’à celle qui lui est contraire, n’espérant qu’en Dieu qui peut seul tout arranger. »

Il ne voyait la France qu’à travers les rancunes et les regrets de ses correspondants, et lorsqu’il n’avait pas l’esprit troublé par les fantômes du passé ni par une vague terreur du libéralisme, il lui arrivait de juger sainement. Ainsi le passage suivant, relatif à l’Autriche, n’a encore rien perdu de sa saveur de vérité[1] : « La chose va, parce que c’est une machine bien montée, et elle ira longtemps ; mais s’il arrive quelque secousse qui exige de la force et de la résolution, le vieux échafaudage pourrait fort bien s’écrouler, faute d’ensemble. »

En religion pourtant, il se montre plus orthodoxe qu’en politique, et réprouve nettement la tolérance, « système qui ouvre la barrière à tous les écarts de l’esprit humain. »

Touchant les grands problèmes du temps, politiques et religieux, Xavier ne sut ou ne voulut, on le voit, s’affranchir des idées générales de son frère Joseph, le champion déclaré de l’absolutisme. Sans trop le chicaner sur des sentiments ou des préjugés qui, après tout, étaient ceux de la vieille noblesse et de son entourage, voyons comment, lui, écrivain accepté du public, a compris et jugé

  1. Vienne, 3 juin 1839.