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s’abattre sur moi et s’accrocher à mon oreille. Je sentis sur ma joue l’horrible fraîcheur de ses ailes humides. Tous les échos de Turin répondirent au cri furieux que je poussai malgré moi. Les sentinelles éloignées donnèrent le qui vive, et j’entendis dans la rue la marche précipitée d’une patrouille.

J’abandonnai sans beaucoup de peine la vue du balcon, qui n’avait plus aucun attrait pour moi. Le froid de la nuit m’avait saisi ; un léger frisson me parcourut de la tête aux pieds, et, comme je croisais ma robe de chambre pour me réchauffer, je vis, à mon grand regret, que cette sensation de froid, jointe à l’insulte de la chauve-souris, avait suffi pour changer de nouveau le cours de mes idées. La pantoufle magique n’aurait pas eu dans ce moment plus d’influence sur moi que la chevelure de Bérénice ou toute autre constellation. Je calculai tout de suite combien il était déraisonnable de passer la nuit exposé à l’intempérie de l’air, au lieu de suivre le vœu de la nature, qui nous ordonne le sommeil. Ma raison, qui dans ce moment agissait seule en moi, me fit voir cela prouvé comme une proposition d’Euclide. Enfin je fus tout à coup privé d’imagination et d’enthousiasme, et livré sans recours à la triste réalité. Existence déplorable ! autant vaudrait-il être