Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

aimait sont suspendues sur sa tête, et le bruit lugubre qu’elles font entendre en se heurtant ramène dans son cœur le souvenir de son bonheur passé. Cependant la foudre sillonne les nuages, et la lumière livide des éclairs se réfléchit dans ses yeux immobiles. Tandis que le bûcher qui doit la consumer s’élève, seule, sans consolation, dans la stupeur du désespoir, elle attend une mort affreuse qu’un préjugé cruel lui fait préférer à la vie.

Quelle douce et mélancolique jouissance n’éprouve point un homme sensible en approchant de cette infortunée pour la consoler ! Tandis qu’assis sur l’herbe à côté d’elle je cherche à la dissuader de l’horrible sacrifice, et que, mêlant mes soupirs aux siens et mes larmes à ses larmes, je tâche de la distraire de ses douleurs, toute la ville accourt chez Mme d’A***, dont le mari vient de mourir d’un coup d’apoplexie. Résolue aussi de ne point survivre à son malheur, insensible aux larmes et aux prières de ses amis, elle se laisse mourir de faim ; et, depuis ce matin, où imprudemment on est venu lui annoncer cette nouvelle, la malheureuse n’a mangé qu’un biscuit, et n’a bu qu’un petit verre de vin de Malaga. Je ne donne à cette femme désolée que la simple attention nécessaire pour ne pas enfreindre les lois de mon système universel, et je m’éloigne bientôt de chez elle,