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qui passait sur ma tête. Je m’arrêtai pour les examiner. Elles s’avançaient en ordre triangulaire, comme la colonne anglaise à la bataille de Fontenoy. Je les voyais traverser le ciel de nuage en nuage.

« Ah ! quelles volent bien, disais-je tout bas ; avec quelle assurance elles semblent glisser sur l’invisible sentier qu’elles parcourent ! »

L’avouerai-je ? hélas ! qu’on me le pardonne ! l’horrible sentiment de l’envie est une fois, une seule fois entré dans mon cœur, et c’était pour des grues. Je les poursuivais de mes regards jaloux jusqu’aux bornes de l’horizon. Longtemps immobile au milieu de la foule qui se promenait, j’observais le mouvement rapide des hirondelles, et je m’étonnais de les voir suspendues dans les airs, comme si je n’avais jamais vu ce phénomène. Le sentiment d’une admiration profonde, inconnue pour moi jusqu’alors, éclairait mon âme. Je croyais voir la nature pour la première fois. J’entendais avec surprise le bourdonnement des mouches, le chant des oiseaux, et ce bruit mystérieux et confus de la création vivante qui célèbre involontairement son auteur. Concert ineffable, auquel l’homme seul a le privilège sublime de pouvoir joindre des accents de reconnaissance !

« Quel est l’auteur de ce brillant mécanisme ? m’écriais-je dans le transport qui m’animait. Quel est celui qui, ouvrant sa