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peut être seul un jour de sa vie sans éprouver le tourment de l’ennui, et qui préfère, s’il le faut, converser avec des sots plutôt qu’avec lui-même !

Je l’avouerai toutefois, j’aime la solitude dans les grandes villes ; mais, à moins d’y être forcé par quelque circonstance grave, comme un voyage autour de ma chambre, je ne veux être ermite que le matin : le soir, j’aime à revoir les faces humaines. Les inconvénients de la vie sociale et ceux de la solitude se détruisent ainsi mutuellement, et ces deux modes d’existence s’embellissent l’un par l’autre.

Cependant l’inconstance et la fatalité des choses de ce monde sont telles, que la vivacité même des plaisirs dont je jouissais dans ma nouvelle demeure aurait dû me faire prévoir combien ils seraient de courte durée. La Révolution française, qui débordait de toutes parts, venaient de surmonter les Alpes et se précipitait sur l’Italie. Je fus entraîné par la première vague jusqu’à Bologne. Je gardai mon ermitage, dans lequel je fis transporter tous mes meubles, jusqu’à des temps plus heureux. J’étais depuis quelques années sans patrie, j’appris un beau matin que j’étais sans emploi. Après une année passée tout entière à voir des hommes et des choses que je