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sensations vives et variées que j’éprouve dans ces régions enchantées !

Combien de fois n’ai-je pas maudit ce Cleveland[1], qui s’embarque à tout instant dans de nouveaux malheurs qu’il pourrait éviter ! — Je ne puis souffrir ce livre et cet enchaînement de calamités ; mais, si je l’ouvre par distraction, il faut que je le dévore jusqu’à la fin.

Comment laisser ce pauvre homme chez les Abaquis ? que deviendrait-il avec ces sauvages ? J’ose encore moins l’abandonner dans l’excursion qu’il fait pour sortir de sa captivité.

Enfin, j’entre tellement dans ses peines, je m’intéresse si fort à lui et à sa famille infortunée, que l’apparition inattendue des féroces Ruintons me fait dresser les cheveux : une sueur froide me couvre lorsque je lis ce passage, et ma frayeur est aussi vive, aussi réelle que si je devais être rôti et moi-même mangé par cette canaille.

Lorsque j’ai assez pleuré et fait l’amour, je cherche quelque poëte, et je pars de nouveau pour un autre monde.



  1. Roman de l’abbé Prévost.