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éteindre cet enthousiasme qui inspire les grandes pensées et les grandes entreprises, glacer les cœurs, et mettre l’égoïsme à la place de l’ardent amour de la patrie, ôtez à un peuple sa croyance, et rendez-le philosophe.

Il n’y a pas, en Europe, de peuple moins connu et plus calomnié que le peuple espagnol. La superstition espagnole, par exemple, a passé en proverbe : cependant rien n’est plus faux. Les classes élevées de la nation en savent autant que nous. Quant au peuple, proprement dit, il peut se faire, par exemple, que, sur le culte des saints, ou, pour mieux dire, sur l’honneur rendu à leurs représentations, il excède de temps à autre la juste mesure ; mais le dogme étant mis sur ce point hors de toute attaque, et ne permettant plus même la moindre chicane plausible, les petits abus de la part du peuple ne signifient rien dans ce genre, et ne sont pas même sans avantage, comme je pourrais vous