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et dans les crimes surtout qui violent la religion ou les mœurs publiques, le pouvoir mitigateur sera confié avec beaucoup plus d’avantage au tact éclairé d’un tribunal, à la fois royal par essence, et sacerdotal par la qualité des juges. J’ose croire même qu’il est impossible d’imaginer rien de mieux que d’introduire ainsi l’huile de la miséricorde au milieu des ressorts criards et déchirants de la jurisprudence criminelle.

Sous ce point de vue, l’Inquisition peut rendre les plus grands services. Il ne faut pas être bien vieux à Madrid pour se rappeler l’histoire d’une femme abominable qui était parvenue à séduire tout le monde, dans cette capitale, par l’extérieur d’une piété héroïque, cachant l’hypocrisie la plus raffinée. Elle avait pour directeur prétendu et pour complice réel un moine plus scélérat qu’elle. Un évêque même y fut pris, et la criminelle habileté de cette femme alla au point que, feignant une incommodité qui l’empêchait de quitter le lit, elle obtint, par l’entremise d’un prélat trompé, une bulle du