suis sûr que non, parce qu’en effet chacun sait que les balles ne choisissent personne. J’aurais bien droit d’établir au moins une parité parfaite entre les maux de la guerre par rapport aux militaires, et les maux de la vie en général, par rapport à tous les hommes ; et cette parité, supposée exacte ; suffirait seule pour faire disparaître une difficulté fondée sur une fausseté manifeste ; car il est non-seulement faux, mais évidemment FAUX que le crime soit en général heureux et la vertu malheureuse en ce monde : il est, au contraire, de la plus grande évidence que les biens et les maux sont une espèce de loterie où chacun, sans distinction, peut tirer un billet blanc ou noir. Il faudrait donc changer la question, et demander pourquoi, dans l’ordre temporel, le juste n’est pas exempt des maux qui peuvent affliger le coupable ; et pourquoi le méchant n’est pas privé des biens dont le juste peut jouir. Mais cette question est tout à fait différente de l’autre, et je suis même fort étonné si le simple énoncé ne vous en démontre pas l’absurdité ; car c’est une de mes idées favorites que l’homme droit est assez communément averti par un sentiment intérieur de la fausseté ou de la vérité de
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