Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
LIVRE I

testantisme avait jetées dans le parlement de Paris. Ceux qui n’ont pu examiner par eux-mêmes ce fait important, peuvent s’en tenir au témoignage exprès d’un noble pair de France, lequel avoue, dans un ouvrage moderne dont j’ai tiré déjà un très-grand parti, « que certaines cours souveraines de France n’avaient pu se tenir en garde contre le nouveau système (du protestantisme) ; que plusieurs magistrats s’en étaient laissé atteindre, et ne paraissaient pas disposés à prononcer des peines portées contre ceux, dont ils professaient la croyance[1]. » Ce même esprit s’était perpétué jusqu’à nos jours dans le parlement, au moyen du jansénisme qui n’est au fond qu’une phase du calvinisme. Les noms les plus vénérables de la magistrature en étaient atteints ; et je ne sais trop si le philosophisme des jeunes gens était plus dangereux pour l’État.

Le concile de Trente étant à juste titre le plus fameux des conciles généraux et le grand oracle antiprotestant, il déplaisait à la magistrature française, précisément à raison de son autorité. On peut encore entendre sur ce point le magistrat que je viens de citer. Il n’y a pas de témoignage plus respectable et qui doive inspirer plus de confiance lorsqu’il manifeste les sentiments de son ordre.

« Le concile de Trente, dit-il, travaillait sérieusement à une réforme plus nécessaire que jamais. L’histoire nous apprend[2] quel homme et quel moyen on employa pour s’y opposer. Si ce concile eut été tranquille et moins prolongé, il eût pu parvenir, en faisant le sacrifice des biens déjà confisqués, à réunir les esprits sur la matière du dogme. Mais la condamnation des protestants y fut entière[3]. »

  1. Esprit de l’histoire, tom. III, lettre LXVIII.
  2. Quelle histoire ? celle de l’honnête Sarpi sans doute. C’est une étrange autorité ! observez que la phalange des écrivains français ennemis du Saint-Siège par différents motifs y ne cite jamais Pallavicini, ou ne le cite que pour le rabaisser : C’est un fanatique, un vil flatteur de Rome, un jésuite. Il ne faut croire sur le concile que deux apostats, Sarpi et le Courrayer, gens, comme on sait, parfaitement désintéressés.
  3. En effet, le concile eut grand tort de ne pas céder sur quelques points ! Au reste, les biens confisqués sont amenés là avec un talent distingué, mais peut-être trop visible. Ibid., tom. II, lett. LXVIII, tom. III, lett. LXX.