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qu’en lisant son histoire, on remarque franchement et sans amertume ces époques d’enivrement où tout devait plier devant son impérieuse volonté.

Si l’on songe aux succès éblouissants d’une très-longue partie de son règne, à cette constellation de talents qui brillaient autour de lui, et ne réunissaient leur influence que pour le faire valoir ; à l’habitude du commandement le plus absolu, à l’enthousiasme de l’obéissance qui devinait ses ordres au lieu de les attendre, à la flatterie qui l’environnait comme une sorte d’atmosphère, comme l’air qu’il respirait, et qui finit enfin par devenir un culte, une véritable adoration, on ne s’étonnera plus que d’une chose, c’est qu’au milieu de toutes les séductions imaginables, il ait pu conserver le bon sens qui le distinguait, et que de temps en temps encore il ait pu se douter qu’il était un homme.

Rendons gloire et rendons grâces à la monarchie chrétienne : chez elle la volonté est toujours ou presque toujours droite, c’est par le jugement qu’elle appartient à l’humanité, et c’est de la raison qu’elle doit se défier. Elle ne veut pas l’injustice ; mais tantôt elle se trompe, et tantôt on la trompe sur le juste et sur l’injuste : et lorsque malheureusement la prérogative royale se trouve mêlée, même en apparence, à quelque question de droit public ou privé, il est infiniment dangereux que le juste, aux yeux du souverain, ne soit tout ce qui favorise cette prérogative.

Si quelque monarque se trouva jamais exposé à cette espèce de séduction, ce fut sans doute Louis XIV. On l’a nommé le plus catholique des rois, et rien n’est plus vrai, si l’on ne considère que les intentions du prince. Mais si, dans quelque circonstance, le Pape se croyait obligé de contredire la moindre des volontés royales, tout de suite la prérogative s’interposait entre le prince et la vérité, et celle-ci courait grand risque.

Sous le masque allégorique de la gloire, on chantait devant lui sur la scène :