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il ne leur pardonnait pas : et qui pourrait l’en blâmer ? On a fait au reste beaucoup trop de bruit pour cette fameuse persécution exercée contre les jansénistes dans les dernières années de Louis XIV, et qui se réduisait au fond à quelques emprisonnements passagers, à quelques lettres de cachet, très-probablement agréables à des hommes qui, n’étant rien dans l’État et n’ayant rien à perdre, tiraient toute leur existence de l’attention que le gouvernement voulait bien leur accorder en les envoyant déraisonner ailleurs.

On a poussé les hauts cris au sujet de cette charrue passée sur le sol de Port-Royal. Pour moi, je n’y vois rien d’atroce. Tout châtiment qui n’exige pas la présence du patient est tolérable. J’avais d’ailleurs conçu de moi-même d’assez violents doutes sur une solennité qui me semblait assez peu française, lorsque, dans un pamphlet janséniste nouvellement publié, j’ai lu « que Louis XIV avait fait passer en quelque manière la charrue sur le terrain de Port-Royal[1]. » Ceci atténuerait notablement l’épouvantable sévérité du roi de France ; car ce n’est pas tout à fait la même chose, par exemple, qu’une tête coupée en quelque manière ou réellement coupée ; mais je mets tout au pis, et j’admets la charrue à la manière ordinaire. Louis XIV, en faisait croître du blé sur un terrain qui ne produisait plus que de mauvais livres, aurait fait toujours un acte de sage agriculteur et de bon père de famille.

C’est encore une observation bien importante que le fameux usurpateur, qui a fait de nos jours tant de mal un monde, guidé par ce seul instinct qui meut les hommes extraordinaires, ne pouvait pas souffrir le jansénisme, et que parmi les termes insultants qu’il distribuait autour de lui assez libéralement, le titre de janséniste tenait à son sens la première place[2].

  1. Du Rétablissement des jésuites en France. Paris 1816.
  2. C’est un idéologue, un constituant, un janséniste. Cette dernière épithète est le maximum des injures. (M. de Pradt. Hist. de l’ambassad. de Vars. Paris, 1815, in-8o pag. 4.) Ces trois injures sont très-remarquables dans la bouche de Buonaparte. En y réfléchissant, on s’écrie involontairement :

    Le bon sens du démon quelquefois me fait peur !