Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

actions des infidèles sont des péchés, ou seulement que la grâce n’arrive point jusqu’à eux ? Nous aurions bien droit, en argumentant d’après les propres principes de ces hommes égarés, de leur soutenir que toutes leurs vertus sont nulles et inutiles ; mais qu’elles vaillent tout ce qu’elles peuvent valoir, et que Dieu me préserve de mettre des bornes à sa bonté ! Je dis seulement que ces vertus sont étrangères à l’Église ; et sur ce point, il n’y a pas de doute.

Il en est des livres comme des vertus ; car les livres sont des vertus. Pascal, dit-on, Arnaud, Nicole, ont fait d’excellents livres en faveur de la Religion ; soit. Mais Abadie aussi, Ditton, Sherlock, Léland, Jacquelot et cent autres ont supérieurement écrit sur la Religion. Bossuet lui-même ne s’est-il pas écrié : Dieu bénisse le savant Bull[1] ! Ne l’a-t-il pas remercié solennellement, au nom du clergé de France, du livre composé par ce docteur anglican sur la foi anti-nicéenne ? J’imagine cependant que Bossuet ne tenait pas Bull pour orthodoxe. Si j’avais été contemporain de Pascal, j’aurais dit aussi de tout mon cœur : Que Dieu bénisse le savant Pascal, et en récompense, etc. ; maintenant encore j’admire bien sincèrement ses Pensées, sans croire cependant qu’on n’aurait pas mieux fait de laisser dans l’ombre celles que les premiers éditeurs y avaient laissées, et sans croire encore que la Religion chrétienne soit pour ainsi dire pendue à ce livre. L’Église ne doit rien à Pascal pour ses ouvrages, dont elle se passerait fort aisément. Nulle puissance n’a besoin de révoltés ; plus leur nom est grand, et plus ils sont dangereux. L’homme banni et privé des droits de citoyen par un arrêt sans appel, sera-t-il moins flétri, moins dégradé, parce qu’il a l’art de se cacher dans l’État, de changer tous les jours d’habits, de nom et de demeure ; d’échapper, à l’aide

  1. Dieu bénisse le savant Bull ! et en récompense du zèle qu’il a fait paraître à défendre la divinité de J.-C, puisse-t-il être délivré des préjugés qui l’empêchent d’ouvrir les yeux aux lumières de l’Église catholique ! Hist. des variat., liv. XV, chap. ciii.)