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(dix-huit seulement sur quatre-vingts) en différents monastères, pour éviter le contact si fatal dans les moments d’effervescence. Il pouvait faire plus sans doute ; mais que pouvait-il faire de moins ?

Racine, qui nous a raconté ces grands événements, est impayable avec son pathétique. « Les entrailles de la mère Agnès, dit-il, furent émues, lorsqu’elle vit sortir ces pauvres filles (des pensionnaires) qu’on venait enlever les unes après les autres, et qui, comme d’innocents agneaux, perçaient le ciel de leurs cris, en venant prendre congé d’elle et lui demandant sa bénédiction[1]. »

En lisant cette citation détachée, on serait porté à croire qu’il s’agit de quelque scène atroce de l’Histoire ancienne, d’une ville prise d’assaut dans les siècles barbares[2], ou d’un proconsul du quatrième siècle, arrachant des vierges chrétiennes aux bras maternels pour les envoyer à l’échafaud, en prison ou ailleurs ; — mais non : c’est Louis XIV, qui, de l’avis de ses deux conseils d’État et de conscience, enlève de jeunes pensionaires[3] au monastère de Port-Royal, où elles auraient infailliblement achevé de se gâter l’esprit, pour les renvoyer — chez leurs parents.

…Quis talia fando,
Temperet à lacrymis… ?

Voilà ce qu’on nommait et ce qu’on nomme encore persécution. Il faut cependant avouer que celle de Dioclétien avait quelque chose de plus sombre.

  1. Racine, ibid., pag. 215.
  2. Tum pavidæ tectis matres ingentibus errant,
    Amplexæque tenent postes, atque oscula figunt.

    (Virg., Æn. II, v. 490 et 491.)

    Pour les mères de Troie, l’affaire était un peu plus sérieuse ; cependant c’est à peu près le même style.

  3. Racine n’en nomme que deux, mesdemoiselles de Luynes et de Bagnols.