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au contraire[1]. Il n’est plus permis de bien écrire, tant l’inquisition est corrompue et ignorante. Il est meilleur d’obéir à Dieu qu’aux hommes. Je ne crains rien, je n’espère rien. Le Port-Royal craint, et c’est une mauvaise politique… Quand ils ne craindront plus, ils se feront plus craindre. Le silence est la plus grande persécution. Jamais les Saints ne se sont tus. Il est vrai qu’il faut vocation ; mais ce n’est pas des arrêts du conseil qu’il faut apprendre si l’on est appelé, mais de la nécessité de parler. Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel. L’inquisition (le tribunal du Pape pour l’examen et la condamnation des livres) et la société (des jésuites) sont les deux fléaux de la vérité[2]. »

Calvin n’aurait ni mieux, ni autrement dit ; et il est bien remarquable que Voltaire n’a pas fait difficulté de dire sur cet endroit des Pensées de Pascal, dans son fameux Commentaire, que si quelque chose peut justifier Louis XIV d’avoir persécuté les jansénistes, c’est assurément ce paragraphe[3].

Voltaire ne dit rien de trop. Quel gouvernement, s’il n’est pas tout à fait aveugle, pourrait supporter l’homme qui ose dire : Point d’autorité ! c’est à moi de juger si j’ai vocation. Ceux qui me condamnent ont tort, puisqu’ils ne pensent pas comme moi. Qu’est-ce que l’Église gallicane ? qu’est-ce que le Pape ? qu’est-ce que l’Église universelle ? qu’est-ce que le parle-

  1. Pascal aurait dû bien nommer un de ces pieux écrits condamnés en si grand nombre par l’autorité légitime. Les sectaires sont plaisants ! Ils appellent pieux écrits les écrits de leur parti ; puis ils se plaignent des condamnations lancées contre les pieux écrits.
  2. Pensées de Pascal, tom. II, art. XVII, no 82, pag. 218.
  3. Note de Voltaire, Siècle de Louis XIV, pag. 354. On voit ici le mot de persécuter employé dans un sens tout particulier à notre siècle. Selon le style ancien, c’est la vérité qui était persécutée ; aujourd’hui c’est l’erreur ou le crime. Les décrets des rois de France contre les calvinistes ou leurs cousins, sont des persécutions, comme les décrets des empereurs païens contre les chrétiens ; bientôt, s’il plaît à Dieu, on nous dira que les tribunaux persécutent les assassins.