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née. Descartes qui en demandait les détails deux ans après à l’un de ses amis, lui disait : « J’avais droit de les attendre de M. Pascal plutôt que de tous, parce que c’est moi qui l’ai avisé il y a deux ans de faire cette expérience, et qui l’ai assuré que bien que je ne l’eusse pas faite, je ne doutais pas du succès[1]. »

À cela on nous dit : « Pascal méprisa la réclamation de Descartes, ou ne fit aucune réponse ; car dans un précis historique publié en 1651, il parla ainsi à son tour[2]… »

En premier lieu, c’est comme si l’on disait : Pascal ne daigna pas répondre, car il répondit ; mais voyons enfin ce que Pascal répondit :

« Il est véritable, et je vous le dis hardiment, que cette expérience est de mon invention ; et partant, je puis dire que la nouvelle connaissance qu’elle nous a découverte est entièrement de moi[3]. »

Là-dessus le docte biographe fait l’observation suivante : « Contre un homme tel que Pascal, il ne faut pas se contenter de dire froidement, une année après l’expérience : J’en ai donné l’idée ; il faut le prouver[4]. » Rétorquons ce raisonnement.

Contre un homme tel que Descartes, qui n’appartenait à aucune secte, qui n’est connu par aucune calomnie, par aucun trait de mauvaise foi, par aucune falsification, il ne faut pas se contenter de dire froidement, une année après la mort du grand homme, et après avoir gardé le silence pendant qu’il pouvait se défendre : Je vous le dis hardiment, cette expérience est de mon invention ; il faut le prouver[5].

  1. Lettre de Descartes à M. de Carcavi, tom. VI, pag. 179.
  2. Disc. sur la vie et les ouvrages, pag. xxxix.
  3. Précis historique adressé par Pascal à un M. de Ribeyra, ib., pag. xxxix. — Observons en passant que le partant de Pascal est très-faux ; car, à supposer même qu’il fût l’auteur de l’expérience, il s’ensuivrait qu’il aurait appuyé la nouvelle connaissance par une expérience très-belle, très-ingénieuse, très-décisive ; mais nullement qu’elle fût entièrement de lui, ce qui est manifestement faux, et faux même jusqu’à impatienter la conscience.
  4. Disc. sur la vie et les ouvrages, etc. pag. xxxix.
  5. Un bel exemple de l’esprit de parti, qui ne veut convenir de rien, se trouve dans ce même discours si souvent cité. On y lit (pag. xj) que si l’une des lettres de Descartes qui portent la date de l’année 1631 (tom. I, Des lett. pag. 439), a été en effet écrite dans ce temps-là, on voit qu’il avait alors, relativement à la pesanteur de l’air, à peu près les mêmes idées que Torricelli mit dans la suite au jour. Ceci est véritablement étrange ! La date d’une lettre ne subsiste pas jusqu’à ce qu’on la trouve fausse ?