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n’est sorti de chez eux : ils n’ont pas même su faire l’épitaphe de Pascal en bon latin[1]. Outre cette raison d’incapacité qui est incontestable, une autre raison de pur instinct conduisait les solitaires de Port-Royal. L’Église catholique, établie pour croire et pour aimer, ne dispute qu’à regret[2]. Si on la force d’entrer en lice, elle voudrait au moins que le peuple ne s’en mêlât pas. Elle parle donc volontiers latin, et ne s’adresse qu’à la science. Toute secte au contraire a besoin de la foule et surtout des femmes. Les jansénistes écrivent donc en français, et c’est une nouvelle conformité qu’ils eurent avec leurs cousins. Le même esprit de démocratie religieuse les conduisit à nous empester de leurs traductions de l’Écriture sainte et des Offices divins. Ils traduisent tout jusqu’au Missel, pour contredire Rome, qui, par des raisons évidentes, n’a jamais aimé ces traductions. L’exemple fut suivi de tout côté, et ce fut un grand malheur pour la Religion. On parle souvent des travaux de Port-Royal. Singuliers travaux catholiques qui n’ont cessé de déplaire à l’Église catholique !

Après ce coup frappé sur la Religion à laquelle ils n’ont fait que du mal[3], ils en portèrent un autre non moins sensible aux sciences classiques, par leur malheureux système d’enseigner les langues antiques en langues modernes ; je sais que le pre-

  1. On y lit néanmoins une ligne latine : Mortuusque etiamnum latere qui vivus semper latere voluerat. Mais cette ligne est volée au célèbre médecin Guy-Patin, qui voulut être enterré en plein air ; ne mortuus cuiquam noceret, qui vivus omnibus profuerat. L’esprit, la grâce, l’opposition lumineuse des idées a disparu ; cependant le vol est manifeste. Voilà les écrivains de Port-Royal, depuis l’in-folio dogmatique jusqu’à l’épitaphe ; ils volent partout et s’approprient tout.
  2. Voltaire a dit : On disputait peu dans l’Église latine aux premiers siècles. (Siècle de Louis XIV, tom. III, chap. xxxvi.) Jamais elle n’a disputé, si elle ne s’y est vu forcée. Par tempérament elle hait les querelles.
  3. Je n’entends pas dire, comme on le sent assez, qu’aucun livre de Port-Royal n’ait fait aucun bien à la Religion ; ce n’est pas du tout cela dont il s’agit : je dis que l’existence entière de Port-Royal, considérée dans l’ensemble de son action et de ses résultats, n’a fait que du mal à la Religion, et c’est sur quoi il n’y a pas le moindre doute.