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CHAPITRE VI.


CAUSE DE LA RÉPUTATION USURPÉE DONT A JOUI PORT-ROYAL.


Plusieurs causes ont concouru à la fausse réputation littéraire de Port-Royal. Il faut considérer d’abord qu’en France, comme chez toutes les autres nations du monde, les vers ont précédé la prose. Les premiers prosateurs semblent faire sur l’esprit public plus d’effet que les premiers poëtes. Nous voyons Hérodote obtenir des honneurs dont Homère ne jouit jamais. Les écrivains de Port-Royal commencèrent à écrire à une époque où la prose française n’avait point déployé ses véritables forces. Boileau, en 1667, disait encore dans sa rétractation badine :


Pelletier écrit mieux qu’Ablancourt ni Patru[1] ;


prenant, comme on voit, ces deux littérateurs, parfaitement oubliés de nos jours, pour deux modèles d’éloquence. Les, écrivains de Port-Royal ayant écrit dans cette enfance de la prose, s’emparèrent d’abord d’une grande réputation ; car il est aisé d’être les premiers en mérite quand on est les premiers en date. Aujourd’hui on ne les lit pas plus que d’Ablancourt et Patru, et même il est impossible de les lire. Cependant ils ont fait plus de bruit, et ils ont survécu à leurs livres, parce qu’ils appartenaient à une secte et à une secte puissante dont

  1. Boileau, satire IX, composée en 1667, et publiée en 1668.