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Royal l’honneur de croire ou de dire : « que, par le tour d’esprit mâle, vigoureux et animé qui faisait le caractère de leurs livres et de leurs entretiens…, ils ne contribuèrent pas peu à répandre en France le bon goût et la véritable éloquence. »

Je déclare sur mon honneur n’avoir jamais parlé à ces messieurs, ainsi je ne puis juger de ce qu’ils étaient dans leurs entretiens ; mais j’ai beaucoup feuilleté leurs livres, à commencer par le pauvre Royaumant, qui fatigua si fort mon enfance, et dont l’épître dédicatoire est un des monuments de platitude les plus exquis qui existent dans aucune langue ; et je déclare avec la même sincérité que non-seulement il ne serait pas en mon pouvoir de citer une page de Port-Royal, Pascal excepté (faut-il toujours le répéter ?), écrite d’un style mâle, vigoureux et animé, mais que le style mâle, vigoureux et animé, est ce qui m’a paru manquer constamment et éminemment aux écrivains de Port-Royal. Ainsi, quoiqu’il n’y ait pas, en fait de goût, d’autorité plus imposante que celle de Voltaire, Port-Royal m’ayant appris que le Pape et même l’Église peuvent se tromper sur les faits, je n’en veux croire que mes yeux ; car, sans pouvoir m’élever jusqu’au style mâle, vigoureux et animé, je sais cependant ce que c’est, et jamais je ne m’y suis trompé.

Je conviendrai plus volontiers avec ce même Voltaire, « que malheureusement les solitaires de Port-Royal furent encore plus jaloux de répandre leurs opinions, que le bon goût et la véritable éloquence[1]. » Sur ce point il n’y a pas le moindre doute.

Non-seulement les talents furent médiocres à Port-Royal, mais le cercle de ces talents fut extrêmement restreint, non seulement dans les sciences proprement dites, mais encore dans ce genre de connaissances qui se rapportaient le plus particulièrement à leur état. On ne trouve parmi eux que des

  1. Voltaire, Siècle de Louis XIV, tom. III, chap. xxxvii.