Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.



CHAPITRE V.


PORT-ROYAL.


Je doute que l’histoire présente dans ce genre rien d’aussi extraordinaire que l’établissement et l’influence de Port-Royal. Quelques sectaires mélancoliques, aigris par les poursuites de l’autorité, imaginèrent de s’enfermer dans une solitude pour y bouder et y travailler à l’aise. Semblables aux lames d’un aimant artificiel dont la puissance résulte de l’assemblage, ces hommes, unis et serrés par un fanatisme commun, produisent une force totale capable de soulever les montagnes. L’orgueil, le ressentiment, la rancune religieuse, toutes les passions aigres et haineuses se déchaînent à la fois. L’esprit de parti concentré se transforme en rage incurable. Des ministres, des magistrats, des savants, des femmelettes du premier rang, des religieuses fanatiques, tous les ennemis du Saint-Siège, tous ceux de l’unité, tous ceux d’un ordre célèbre leur antagoniste naturel, tous les parents, tous les amis, tous les clients des premiers personnages de l’association, s’allient au foyer commun de la révolte. Ils crient, ils s’insinuent, ils calomnient, ils intriguent, ils ont des imprimeurs, des correspondances, des facteurs, une caisse publique invisible. Bientôt Port-Royal pourra désoler l’Église gallicane, braver le Souverain Pontife, impatienter Louis XIV, influer dans ses conseils, interdire les imprimeries à ses adversaires, en imposer enfin à la suprématie.