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DE L’ÉGLISE GALLICANE.

Fleury, au commencement du dernier siècle, a peint d’une manière naïve ce caractère du jansénisme. Ses paroles valent la peine d’être citées.

« Le jansénisme, dit-il, est l’hérésie la plus subtile que le diable ait tissue. Ils ont vu que les protestants, en se séparant de l’Église, s’étaient condamnés eux-mêmes, et qu’on leur avait reproché cette séparation ; ils ont donc mis pour maxime fondamentale de leur conduite, de ne s’en séparer jamais extérieurement et de protester toujours de leur soumission aux décisions de l’Église, à la charge de trouver tous les jours de nouvelles subtilités pour les expliquer, en sorte qu’ils paraissent soumis sans changer de sentiments[1]. »

Ce portrait est d’une vérité parfaite ; mais si l’on veut s’amuser en s’instruisant, il faut entendre Mme de Sévigné, charmante affiliée de Port-Royal, disant au monde le secret de la famille, en croyant parler à l’oreille de sa fille.

« L’Esprit-Saint souffle où il lui plait, et c’est lui-même qui prépare les cœurs ou il veut habiter. C’est lui qui prie en nous par des gémissements ineffables. C’est saint Augustin qui m’a dit tout cela. Je le trouve bien janséniste, et saint Paul aussi. Les jésuites ont un fantôme qu’ils appellent Jansénius, auquel ils disent mille injures, et ne font pas semblant de voir où cela remonte… Ils font un bruit étrange et réveillent les disciples cachés de ces deux grands Saints[2].

  1. Nouv. Opusc. de Fleury. Paris, Nyon, 1807, p. 227 et 228. Les opuscules sont un véritable présent que le feu abbé Emery a fait aux amis de la Religion et des saines maximes ; on y voit à quel point Fleury était revenu de ses anciennes idées. Il y a un ouvrage à faire sur ces opuscules.
  2. Lettre de Mme de Sévigné, in-8o tom. II, Lettre DXXV.

    On voit ici, mieux que dans un livre de Port-Royal, les deux points capitaux de la doctrine janséniste. 1o Il n’y a point de jansénisme, c’est une chimère, un fantôme créé par les jésuites. Le pape qui a condamné la prétendue hérésie, rêvait en écrivant sa bulle. Il ressemblait à un chasseur qui ferait feu sur une ombre, en croyant ajuster un tigre. Que si l’Église universelle applaudit à cette bulle, ce fut de sa part un acte de simple politesse envers le Saint-Siège, et qui ne tire nullement à conséquence. 2o Ce qu’on nomme jansénisme n’est au fond que le paulinisme et l’augustinisme, S. Paul et S. Augustin ayant parlé précisément comme l’évêque d’Ypres. Si l’Église prétend le contraire, hélas ! c’est qu’elle est vieille et qu’elle radote !