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livre viii.
HORTICULTURE.


franc, quand on n’est pas trop pressé de les mettre à fruit. parce qu’elles ont une tendance prononcée à former des arbres très grands et très durables, tendance neutralisée par la nature du cognassier ; ce sont principalement les suivantes :

Poires à manger crues 
Virgouleuse.
Bon-chrétien d’hiver.
Crassane (ou crésane).
Poire de Colmar.
Combien ne serait-il pas préférable de ne jamais greffer ni le poirier ni le pommier, de peupler exclusivement nos vergers d’arbres francs de pied, obtenus soit de semis, soit de boutures ? On néglige totalement ce dernier mode de multiplication pour les arbres à fruits, tandis qu’on le perfectionne de mille manières pour les arbres et arbustes d’ornement. Nous sommes convaincus qu’on trouverait autant de facilité que d’avantages à bouturer le pommier et le poirier, si l’on voulait s’en occuper sérieusement. D’après quelques essais encore trop récents pour offrir des résultats certains, nous sommes portés à croire que les boutures de poirier et de pommier pratiquées avec des bourgeons de l’année en costière, garnie de terreau, bien exposée, mais ombragée, reprendraient aisément ; transplanté en automne en pépinière, ce plant serait ensuite conduit comme le plant de semis, sauf la greffe, dont il n’aurait pas besoin.

Le procédé de bouture à l’étouffée, usité dans les serres pour la multiplication des arbustes d’ornement, réussirait, sans aucun doute, pour la multiplication des arbres à fruit, comme le prouvent les expériences de M. Bénin (de Versailles) sur les boutures de poirier ; mais il exige tant de frais et des soins si minutieux, qu’il lui faudrait recevoir de grandes modifications avant qu’il pût faire concurrence aux procédés plus simples actuellement en possession d’alimenter nos pépinières.

Section II. — Conduite des sujets en pépinière.

Pendant les deux premières années, le plant ne veut que des sarclages et binages assez fréquents pour que le sol soit tenu constamment propre ; il ne faut arroser qu’en cas d’excessive sécheresse, quand on peut craindre qu’il n’en résulte la perte des sujets ; à moins d’un été exceptionnel, ce danger ne se présentera pas si la surface de la terre est ameublie par des binages réitérés ; il faut que la terre puisse absorber et transmettre aux racines des jeunes arbres la rosée de la nuit, qui ne leur parvient jamais quand on a laissé se former à sa surface une croûte imperméable. Il faut avoir pratiqué l’horticulture dans le midi, sur des pentes où il ne pleut jamais en été, où l’eau ne pourrait arriver que par un déluge universel, pour se faire une idée des ressources que peut offrir le binage comme moyen de combattre les effets de la sécheresse. Au second printemps qui suit le repiquage du plant en pépinière, on ne doit pas attendre que la sève soit en mouvement pour donner à la totalité des sujets leur première taille ; elle consiste à les recéper au niveau du sol qui reçoit en même temps un labour superficiel. Cette opération détruit l’équilibre entre les racines restées entières et la tige, momentanément réduite à rien. Aussitôt que la sève commence à monter, toute l’énergie vitale de l’arbre est employée à rétablir promptement l’équilibre ; les tiges nouvelles, dont on a provoqué par là le développement, sont plus belles, plus élancées, plus vivaces que celles qu’elles remplacent. Chaque pied en fournit toujours plusieurs ; on choisit la plus vigoureuse et l’on supprime les autres au mois de juin.

§ 1er . — Sujets pour haute tige.

Les sujets à haute tige se forment pour ainsi dire tout seuls ; il n’y a qu’à laisser leur bourgeon terminal s’élancer verticalement, former sa flèche, comme disent les pépiniéristes. Le seul soin à prendre, c’est de pincer de très bonne heure les bourgeons latéraux, afin qu’ils ne détournent pas à leur profit une part de la nourriture qu’on a intérêt à diriger de préférence sur la flèche. D’ailleurs, les bourgeons latéraux, lorsqu’on retarde leur suppression, grossissent très vite ; quand il faut les retrancher plus tard, il en résulte sur le tronc du sujet des plaies nuisibles à la croissance et désagréables à l’œil. En supprimant les bourgeons pincés, ce qui doit se faire en octobre, à la chute des feuilles, il faut éviter de tailler trop près du tronc ; il importe surtout de couper bien parallèlement à l’axe du tronc, pour que l’écorce recouvre facilement et également les cicatrices. L’effet naturel de cette taille continuée tous les ans est de donner à la flèche une force telle qu’elle fait dessécher et périr les branches laissées à dessein de distance en distance vers le bas de la tige, dans le but de la faire grossir en y appelant la sève. A mesure qu’on les voit dépérir, on les rabat d’abord à 0,m 10, puis on les supprime tout-à-fait. Si ces divers soins ont été donnés en temps opportun et avec intelligence, les arbres livrés au commerce n’offrent ni nœuds ni défauts ; leur tronc droit, recouvert d’une écorce lisse, atteste leur santé vigoureuse.

Cette manière d’élever les égrains en pépinière s’applique également aux pommiers et aux poiriers à haute tige ; seulement, comme le tronc de poirier n’a pas la même tendance que celui du pommier à prendre du corps, on lui laisse un plus grand nombre de branches latérales ou brindilles, afin de favoriser son grossissement. Dans un sol convenable, les égrains sont bons à vendre au bout de quatre ans ; ils peuvent encore attendre deux ans dans la pépinière sans beaucoup souffrir ; passé la septième année, s’ils ne sont pas enlevés, ils dépérissent. Les égrains ne sont pas ordinairement greffés en pépinière ; on les met en place,