Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
titre iii.
79
PÉPINIÈRES D’ARBRES FRUITIERS.


pépinière des arbres fruitiers à pépins diffère essentiellement de celui que réclament les arbres fruitiers à noyaux ; en principe, les amendements, surtout la marne, la chaux, les terres calcaires et le plâtre, peuvent corriger le premier de ces deux genres de sol, et le ramener jusqu’à un certain point dans les conditions du second, mais sans réciprocité. Ainsi, dans une pépinière où les poiriers et pommiers prospèrent, on peut disposer un coin propre à l’élève du pêcher, de l’abricotier, du cerisier ; mais, si la nature du terrain est spécialement favorable à ces arbres, il serait inutile d’entreprendre d’y faire prospérer les arbres à fruits à pépins.

Aux environs de Paris, bien peu d’arbres à fruits sont cultivés dans la même pépinière depuis leur naissance jusqu’au moment de la vente ; cette besogne se partage d’une manière analogue à ce qui se pratique ailleurs pour l’élève du bétail ; c’est une excellente méthode, en ce qu’elle permet au pépiniériste de rentrer plus vile dans ses avances et de donner plus de soins a la partie de l’élevage dont il est chargé ; l’acheteur n’aurait rien à y perdre si parmi les égrains, ou sujets de pépins, le pépiniériste n’admettait que des sujets de premier choix, ceux que dans le commerce on désigne sous le nom de baliveaux ; mais par une avidité condamnable, beaucoup de pépiniéristes préfèrent acheter à bas prix les égrains de deuxième ou troisième choix, qui devraient être rebutés. A force de soins et de fumier, ils donnent à ces arbres défectueux une assez bonne apparence pour tenter les acheteurs, et peuplent ainsi nos jardins d’arbres débiles qui ne peuvent ni durer, ni récompenser par des récoltes abondantes les travaux du jardinier.

La nécessité de choisir les sujets s’applique également aux doucains, paradis et cognassiers élevés de marcotte ; ceux que fournissent des souches-mères épuisées par une longue production doivent être rejetés. Quant aux sujets obtenus de semis dans la même pépinière où ils doivent achever de croître jusqu’à ce qu’ils soient greffés et mis en place, il faut toujours réserver à part les plus beaux, ceux dont l’apparence extérieure se rapproche le plus des bonnes espèces connues, afin de vérifier leur fruit. Il ne s’agit pas d’attendre quinze ou dix-huit ans un fruit qui peut-être au bout de ce temps n’aurait aucune valeur ; voici comment on procède. Sur un sujet de semis de deux ans, on lève un écusson qu’on transporte sur cognassier si c’est un poirier, et sur paradis si c’est un pommier ; en deux ans, le fruit se montre sur la greffe tel qu’il doit être sur le sujet, lequel n’étant encore âgé que de quatre ans, peut être greffe lui-même s’il est mauvais, et mis en place s’il est bon. Il est bien entendu que les essais de ce genre ne sauraient être pratiqués sur une grande échelle par le pépiniériste marchand ; il peut cependant, comme on le voit, obtenir ainsi, dans un temps assez court, des variétés, soit nouvelles, soit améliorées. Tous les vrais amateurs de l’horticulture déplorent la dégénérescence rapide de nos meilleurs fruits ; elle est telle de nos jours, qu’un homme de trente ans reconnaît à peine dans les deux genres, poirier et prunier principalement, les fruits qu’il a connus dans son enfance. C’est à ceux qu’une position aisée rend indifférents au résultat pécuniaire, qu’il appartient surtout de régénérer nos vergers par les semis ; ce ne sont pas d’ailleurs des essais très dispendieux, ils n’exigent que de la persévérance.

Lorsque, parmi les plants repiqués, quelques-uns paraissent languissants, il ne faut pas hésiter à les sacrifier. Dans les pépinières, où les sujets ont toujours trop peu d’espace, si l’un d’entre eux vient à être enlevé ou à périr, ses voisins s’empressent d’allonger leurs racines pour recueillir sa succession, de sorte que pour peu qu’on tarde à lui donner un remplaçant, les racines faibles de celui-ci ayant à se défendre contre les racines fortes de ses concurrents, ne prennent jamais le dessus ; il vaut mieux en prendre son parti, et laisser subsister un vide, quand par négligence on ne s’y est pas pris à temps pour le remplir.

La greffe est, après les semis, l’opération la plus importante dans la pépinière : nous en avons décrit les divers procédés en indiquant ceux qui, pour les arbres à fruits, nous semblent mériter une préférence exclusive. On greffe le plus jeune possible les sujets destinés à recevoir le pêcher, l’abricotier et le prunier ; beaucoup de sujets sont bons à greffer dès la première année ; tous doivent être greffés à la seconde ; si à cet âge ils n’avaient pas la force de supporter la greffe, ils devraient être rejetés. On greffe aussi très jeunes les poiriers et pommiers qui doivent être conduits en corbeille, en quenouille, en pyramide, ou former des arbres nains, mais on laisse croître jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans les sujets destinés à former des arbres en plein vent à haute tige.

Les espèces désignées dans la liste ci-dessous ne réussissent jamais bien sur cognassier, ou du moins, elles n’y sont jamais suffisamment productives ; on ne peut les greffer que sur franc ou sur épine blanche ; la plupart réussiraient également sur néflier ; elles y seraient très durables ; mais cette greffe est peu en usage, à cause de la difficulté de multiplier les sujets de néflier soit de semence, soit de marcotte ; les osselets de néflier ne lèvent que la seconde année, et quelquefois à la troisième ; on peut aussi greffer les poiriers sur des francs de cormier.

Poires à cuire 
Catillac (ou cotillard).
Poire d’une livre.
Poire de tonneau.
Impériale.
Poires à manger crues 
Royale d’hiver.
Grande Bretagne.
Roussette d’Anjou.
Poire d’épargne.
Poire de la Madelaine.
Beurré gris.

D’autres variétés, quoique suffisamment productives sur cognassier, se greffent mieux sur